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Le Solublog
18 juillet 2014

De la défiance à la reconquête du consommateur

En deux décennies, le capital confiance établi entre consommateurs et entreprises s’est considérablement dégradé, passant d’une relation quasi fusionnelle durant les 30 glorieuses à une défiance croissante. Comment et pourquoi le divorce s’est-il produit ? 

En 2008, déjà, une étude révélait que seuls 30 % des Français avaient confiance en l’entreprise (ils étaient 41% en Italie et 57% aux Etats Unis). Or, depuis lors, cette tendance n’a fait que s’accentuer. Pourquoi une telle perte de confiance qui, manifestement, provient majoritairement des salariés et des consommateurs ? En 2007 en effet, seuls 21% des salariés dans le monde se déclaraient engagés envers leur entreprise*. En France, ils étaient seulement 12 % (contre 29% aux Etats Unis) et ces chiffres se sont encore détériorés depuis. Communications internes désastreuses (manque de franchise et de transparence), mondialisation et délocalisations d’usines pourtant rentables, parachutes dorés de la direction, suicides de salariés (Renault, EDF et plus récemment France Télécom) scandales financiers… : les raisons du « divorce » sont multiples et d’autant plus vivaces que les salariés de moins de 30 ans, issus de la génération Y, ne montrent plus la fidélité professionnelle de leurs ainés... Or, si les salariés sont les meilleurs ambassadeurs de leur entreprise, ils peuvent, inversement, détruire à eux seuls l’image de leur employeur, tels ces cas de scandales dénoncés par le personnel (Buffalo Grill en 2001) et dont l’anonymat est même protégé par la loi américaine Sarbanes Oxley depuis 2002. Par ricochet, les salariés étant aussi des consommateurs, ceux-ci ont perdu confiance dans les entreprises, leur fonctionnement et les produits qu’elles fabriquent.

La faute à l’entreprise ?

Toutes les études depuis les années 90 révèlent qu’en matière de crédibilité, les entreprises sont à la traine, les citoyens préférant croire les scientifiques, les associations (notamment environnementales et de consommateurs) ou les pompiers (pour les accidents). Les entreprises (surtout industrielles) sont d’ailleurs rendues responsables de la dégradation de l’environnement, loin devant les consommateurs eux-mêmes, les gouvernements ou les agriculteurs. Mais par quel processus l'entreprise d'hier produisant des biens et services utiles à la collectivité a t-elle vu son image se dégrader au point de devenir une entreprise-prédatrice, suspecte, opaque et n'ayant que pour objet le profit ?

Hélas, il semble bien que les entreprises soient elles-mêmes responsables de ce phénomène, eut égard aux bévues, crises et autres « affaires » émaillant les dernières décennies, des scandales alimentaires (vache folle, Spanghero - Findus et la viande de cheval, Monsanto…), sanitaires (prothèses PIP, le Médiator et les laboratoires Servier…) ou financiers (Enron, Lehman Brothers…) aux désastres environnementaux (Total et l’Erika, BP et la plateforme Deep Horizon) et sociaux (plan social de Danone, sweatshops de Nike …).

Le consommateur, las d’une actualité sans cesse plus anxiogène, ne veut plus avoir à trier le bon grain de l’ivraie : « tous pourris ! » conclut-il ; d’autant plus désabusé que la surenchère publicitaire déployée par les entreprises pour redorer leur blason n’a fait qu’accentuer le fossé, voire jeter le discrédit. Se sentant manipulé par des campagnes lui promettant « un monde meilleur » et un « avenir radieux », totalement déconnectées de la réalité, le consommateur devient alors publiphobe.

Parallèlement, le comportement de puissants médias en quête de juteux scandales venant dynamiser leur audience, le pouvoir d’internet et des réseaux sociaux, véritables caisses de résonnances et vecteurs de rumeurs, ou encore l’acharnement de certaines associations et ONG à détruire l’image d’une enseigne tant que celle-ci n’a pas changé ses pratiques (Rainforest Action Network contre Ford, ou Greenpeace contre Nestlé et l’utilisation de l’huile de palme dans la confiserie, Mattel-Barbie et le carton issu de forêts non gérées durablement, Zara et l’utilisation de produits toxiques…) n’arrangent pas l’image des entreprises prises pour cible.

Consommation impactée

Pourtant, à bien y regarder, ce ne sont pas tant les pratiques ou l’éthique des entreprises qui se sont détériorées (de nombreuses avancées sociales, environnementales, normatives peuvent être constatées), mais la perception des publics qui s’est dégradée. Conséquence ? L’acheteur méfiant et rétif consomme « à reculons », du bout des lèvres, prêt à toute infidélité, boycottant certains produits et marques mises au pilori et fragilisant, de fait, la santé des entreprises et l’emploi.

D’autres conséquences, bien que plus discrètes, constituent une lame de fond. Refusant la mondialisation, une partie des consommateurs va se tourner vers des petites unités et marques régionales valorisant la notion de terroir. La tendance du locavore en découle (consommer proche de chez soi). Dans d’autres cas, la consommation de produits industriels peut se reporter sur celle de produits fabriqués soi-même. Produits ménagers, pain, fromage et yaourts faits maison, potager de balcon, meubles réalisés à partir de palettes, aromathérapie familiale ; le DIY (Do It Yourself), très en vogue, prend sa source dans cette perte de confiance du produit commercialisé. Dans tous les cas, les entreprises, en particulier industrielles, sont perdantes.

Néanmoins, cette tendance est-t-elle irréversible ou l’entreprise peut-elle regagner le cœur des consommateurs ? L’entreprise doit-elle se résoudre à voir son chiffre d’affaires s’effriter au fil des ans sans réagir ? Non, bien sûr. Mais comment renouer les relations ? 

De nombreuses pistes existent. Elles reposent toutes sur une façon de procéder différente, une certaine remise en question, quelques changements. La première piste repose ainsi sur « la gouvernance de l’entreprise », c’est à dire la manière de la diriger, l’engagement authentique de sa direction et ses actionnaires. Rien de pire, en effet, qu’une communication déconnectée de la réalité de l’entreprise, telle qu’elle est vécue d’une part par les employés et les partenaires, d’autre part par les consommateurs qui attendent, non pas du déclaratif standardisé, mais un engagement en RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise) et une réelle éthique des pratiques : financières (pas d’évasion fiscale ni de travail au noir par exemple), salariales (respect des droits, amélioration des conditions de travail) commerciales (responsabilité des partenaires et fournisseurs) environnementales...

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Communication responsable

La seconde piste consiste à revoir de A à Z la manière de communiquer des entreprises. Aux oubliettes les très (trop) belles campagnes d’images mais creuses et vides de sens, le story telling à outrance (raconter une jolie histoire improbable pour faire passer un message), le greenwashing (utilisation d’arguments écologiques sans fondement réel), le rêve et la magie. Place à l’humilité, la constance et l’information ! Quelle tristesse me direz-vous. Détrompez-vous, la meilleure campagne d’information n’est pas forcément la plus plate ni la moins créative, comme en témoignent les ingénieuses et efficaces campagnes Système U sur l’origine des produits ou la structure des prix. La communication sera peut-être moins flamboyante, certes, mais plus proche du consommateur et de ses réalités quotidiennes.

De même, une communication « responsable », s’appuiera sur une vision à long terme. Une stratégie de communication ne peut pas suivre des objectifs trimestriels calqués sur des objectifs financiers. Elle doit être constante dans le temps, le consommateur attendant de la stabilité dans les messages et une logique dans les publicités. Des campagnes successives proposant des messages contradictoires perdent les consommateurs. On ne peut pas vanter les mérites écologiques d’un véhicule électrique et en même temps faire la publicité pour un autre véhicule de la même marque incitant les consommateurs à vivre l’instant présent, sans se soucier de l’avenir. On ne peut pas envoyer un message et son contraire.

Ainsi, la communication responsable exige un réel positionnement de l’entreprise, une réflexion sur sa mission et ses valeurs, tout en respectant les consommateurs. Que penser, en effet, des campagnes sexistes ? Certaines sont certes drôles, mais en choquant, elles courent le risque d’écorner la confiance. Faire rire n’est pas faire vendre. Aussi, les publicités argumentant exagérément les qualités d’un produit miracle provoquent l’effet inverse : « mais on se fiche de nous ! ». Les consommateurs ne sont pas dupes, respectons-les.

Regagner la confiance des consommateurs passe, entre autres, par une réponse appropriée aux attentes importantes en matière d’information, de clarté et de traçabilité. Que contiennent vraiment les produits ; quels sont ces ingrédients aux noms imprononçables ? Quelle est l’origine des ingrédients ? Quelles sont les méthodes et les conditions de fabrication, les conséquences sur la santé des consommateurs, les composants des emballages et les déchets produits ? Les entreprises ont, sur ce chapitre, de gros progrès à réaliser en terme de lisibilité et de transparence, au risque d’avoir à se justifier sur la teneur de leurs produits. En matière de communication aussi, mieux vaut prévenir que guérir. 

Enfin la manière de faire son reporting annuel et de le communiquer aura aussi son importance. Est-il judicieux que l’entreprise souligne ses efforts ou ne vaut-il mieux pas laisser le soin de les constater et de les relayer, aux observateurs ? Le jeu est plus aléatoire, mais l’authenticité de la démarche en fait tout l’intérêt... La communication responsable, c’est aussi changer ses habitudes.



* Etude Towers Perrin sur 90 000 salariés répartis dans 18 pays - 2007

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